8 février 2023

La gérontechnologie est un domaine de recherche relativement nouveau — datant du début des années 2000 —, dont l’objectif est d’utiliser la technologie pour améliorer la qualité de vie des aînés. Mal connu du grand public, ce secteur est pourtant en pleine ébullition. Il inclut aussi bien des technologies existantes adaptées pour répondre aux besoins des aînés (par exemple une télécommande à gros boutons) que des concepts plus novateurs et futuristes (comme un appartement intelligent). Introduction à une science qui a le potentiel d’adoucir vos vieux jours.

L’appartement intelligent conçu par l’équipe du Laboratoire DOMUS de l’Université de Sherbrooke est un projet-pilote déployé dans quelques maisons et résidences du Québec et de la France. Ayant pour but d’aider des personnes ayant des troubles cognitifs à gérer leur quotidien, l’appartement en question est muni de détecteurs de mouvement dans les pièces, de débit d’eau aux robinets et de contacts sur le lit et les chaises.

« Avec l’intelligence artificielle, on est capable d’émettre des hypothèses sur ce qui se passe dans l’appartement de la personne, explique Aline Aboujaoudé, étudiante au doctorat associé au projet. Si la personne reste au lit, ne se lave plus et ne sort plus de l’appartement, ça sonne une cloche au proche aidant ou au personnel soignant pour faire une intervention. » La doctorante précise qu’aucun détecteur visuel ou sonore n’est utilisé, pour préserver l’intimité de la personne.

Ensuite, d’autres dispositifs visent à soutenir la personne dans l’accomplissement de ses tâches quotidiennes. Une assistance vocale offre des rappels d’activités, d’une voix rassurante. La nuit, un trajet lumineux s’allume au sol pour guider la personne à la toilette ou au lit. « Pour décrire ce que l’on fait, j’aime bien le terme d’assistance ambiante, explique Hélène Pigot, codirectrice du Laboratoire DOMUS. Nous envisageons cela comme un couple environnement-personne, où l’environnement porte assistance à la personne, tout en mettant l’accent sur l’autonomie. »

Il faut dire que vieillir à la maison est un souhait partagé par une majorité de Canadiens — plus de 80 %, selon un sondage de 2021 mené par Vivintel. Les plus récentes avancées dans le domaine de gérontechnologie pourraient rendre ce rêve possible pour bien des gens.

« Beaucoup d’aînés sont ouverts à faire le suivi de leur santé à distance, avec des appareils connectés », note Aline Aboujaoudé, évoquant l’enquête NETendances 2020 montrant que 72 % des personnes de 65 ans et plus sont d’accord avec l’idée que la technologie facilite l’accès à des services sociaux ou des soins de santé. Toutefois, la doctorante prévient que les projets réellement innovants prendront quelques années avant de se démocratiser. « Nous sommes encore à vérifier l’acceptabilité et l’adoption de ce type de projet, aussi bien par l’utilisateur, que par le clinicien et le proche aidant. »

Outre l’appartement intelligent, plusieurs projets de recherche sont en cours à travers le monde pour améliorer d’autres aspects de la vie des aînés. En Irlande, le robot « social » Stevie – mesurant environ 5 pieds – peut faire la conversation tout en servant d’appui à la marche. Il permet de briser l’isolement tout en augmentant la mobilité des personnes âgées.

Plus près de chez nous, à Toronto, le robot Rosa aide les aînés à transporter divers objets dans la maison; il s’agit d’une plateforme motorisée, sur roues, capable de monter des escaliers. Au Québec, l’entreprise B-Temia a développé l’exosquelette KEEOGO qui pourra éventuellement remplacer une canne ou une marchette. Le squelette robotisé, composé de tiges sanglées aux jambes et à la taille, permet d’atténuer la pression sur les genoux.

Le défi de la découvrabilité

Parallèlement à ces innovations, mentionnons un éventail de produits « traditionnels » qui ont été revisités pour mieux répondre aux besoins des aînés. L’entreprise québécoise Eugeria (récemment invitée à l’émission Dans l’œil du Dragon) s’est d’ailleurs donné la mission de les faire découvrir aux professionnels et aux proches aidants.

Des produits aussi simples qu’une télécommande simplifiée dotée de gros boutons, une horloge affichant l’heure et la date de manière très visible, et qui permet aux proches aidants de communiquer des rappels, ou un pilulier électronique qui se déverrouille à l’heure de la médication. « Même si ces produits ne sont pas à proprement parler “révolutionnaires”, ils peuvent avoir un effet positif sur le quotidien des aînés », explique Marie-Anne Bazerghi, cheffe de la croissance et de l’innovation de Eugeria. En plus de sécuriser ou de rendre plus autonomes les utilisateurs, ils permettent aux proches aidants d’orienter la conversation sur d’autres sujets que la prise de médicament… ou le fonctionnement de la télécommande !

Par Philippe Jean Poirier

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