La retraite : enfin l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Comment l’inégalité peut-elle se construire tout au long de la vie, même si l’on fournit des efforts pour rester égal et qu’il y a une certaine sensibilité de la part des autres ?

Le fait que le revenu moyen des femmes ne représente que 60 % de celui des hommes, et que cette différence est due à la différence des gains pendant la vie active, et, donc, à la disparité dans la capacité d’épargner. L’inégalité est aussi liée au fait que les femmes ont tendance à prendre leur retraite plus tôt, en partie parce qu’elles sont, en moyenne, plus jeunes que leurs conjoints, et en partie parce qu’elles ont souvent des responsabilités de proches aidantes.

Les écarts de revenus entre les hommes et les femmes se manifestaient dans les pensions privées, les revenus provenant des épargnes et le fait que les hommes poursuivent le travail davantage que les femmes. Pour illustrer ce point, nous allons prendre l’exemple de deux vérificateurs professionnels pour montrer que les inégalités persistent, même lorsque les femmes ont autant, voire plus, d’éducation que les hommes. Nous avons spécifiquement choisi cette catégorie professionnelle, car elle est rarement mixte.

Scène 1 : Plage romantique sous une pleine lune

Antoine, en s’agenouillant : Thérèse, mon amour, m’épouseras-tu ?

Thérèse, en s’esclaffant : Te marier ? Ne sais-tu pas que le mariage est l’un des principaux facteurs de l’appauvrissement des femmes ? Non, je préfère mon indépendance. Je voudrais être égale aux hommes, pas une servante sans salaire.

Antoine : Mais ce ne sera pas comme ça. Nous serons égaux dans le mariage.

Thérèse : Bon, je vais écrire un contrat de mariage pour protéger mes droits.

Scène 2 : Dans un corridor à l’Entreprise Progrès (nom d’entreprise fictive)

Antoine, excité : Thérèse, je viens de sortir du bureau des ressources humaines. Ils viennent de m’offrir le poste de directeur adjoint de notre service de comptabilité.

Thérèse, moins excitée : Félicitations ! Mais je ne comprends pas. Tu sais que je convoitais le poste.

Antoine : Ce n’est pas moi qui aie pris la décision. Allons ensemble voir le directeur.

Ils entrent dans le bureau du directeur des ressources humaines

Thérèse : Je suis contente que vous ayez donné une promotion à Antoine, mais je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas retenu ma candidature. Mon évaluation, depuis deux ans, était meilleure que la sienne. Puis, j’ai suivi des cours, justement pour améliorer mes connaissances en matière de gestion.

Directeur : Désolé Thérèse, mais, tu es enceinte. Et on ne peut pas se passer d’un directeur adjoint pendant une année quand tu prends un congé de maternité. Peut-être la prochaine fois, quand il y aura une ouverture.

Thérèse : Mais, Antoine va prendre un congé de paternité, et une partie des prestations parentales aussi.

Directeur : On verra. Mais, lui, il peut choisir les moments plus tranquilles. Toi, la naissance tombe en février quand nous sommes le plus occupés. Désolé.

Scène 3 : Dans la cuisine d’une belle maison de banlieue. Antoine tient un bébé de 12 mois dans les bras :

Thérèse : Bon. Je voudrais retourner au travail, mais la place en garderie n’est pas disponible avant le mois de juin. Il me semble que ce serait à ton tour de rester à la maison avec Maya.

Antoine : Je voudrais bien, mais on est encore dans la période de pointe. Peut-être à la mi-mai ? Je pourrais prendre quelques semaines.

Thérèse : Ce n’est vraiment pas juste. Quand on s’est marié, tu as promis de t’occuper des enfants autant que moi. Tu as pris seulement les cinq semaines de paternité et il ne reste plus de prestations parentales.

Antoine : Tu sais que je ne pouvais pas lâcher la job. Et je m’occupe du bébé en fin de semaine et en soirée. Puis tu voulais allaiter jusqu’à maintenant. Ça n’aurait pas été très commode si tu étais retournée au travail.

Thérèse : C’est toujours comme ça. Voici ma facture pour le travail que j’ai fait pour m’occuper de ton enfant, ton ménage, tes repas et tout le reste pendant plus de la moitié du temps.

Antoine : Mais qu’est-ce qui te pique ? Je paie ma part pour toutes les dépenses conjointes. La maison est à nos deux noms.

Thérèse : Il reste qu’en termes d’heures par semaine, je travaille beaucoup plus que toi, même en étant à la maison. Et il n’y a pas de salaire pour le travail domestique.

Scène 4 : Le salon de la même maison.

Antoine : Quand j’aurai 65 ans, le mois prochain, je pensais prendre une retraite bien méritée après 40 ans comme vérificateur. Si tu prends ta retraite en même temps, nous pourrions voyager librement.

Thérèse : Mais je n’aurai pas 65 ans avant l’année prochaine. Ça va me coûter 6 % pour ma rente du Québec. Nous avons un régime de pension à cotisations déterminées, mais ton salaire était toujours plus élevé que le mien, même si nous avions le même diplôme et que nous faisions le même métier, dans la même entreprise. Donc, ta pension est plus élevée que la mienne. Puis, regarde la différence dans nos REER et nos autres épargnes aussi.

Antoine : Ce n’est pas grave. Je vais payer plus que la moitié des voyages. Et puis, tu vas hériter de toutes mes épargnes si je meurs avant toi.

Épilogue : La retraite : enfin, l’égalité entre Antoine et Thérèse ?

En 2019, le revenu moyen des femmes âgées de 65 ans et plus représentait 60 % de celui des hommes. Les écarts les plus importants se manifestaient dans les pensions privées, les revenus provenant des épargnes et le fait que les hommes poursuivent le travail davantage que les femmes.

Selon le Recensement de 2021, les « vérificatrices et comptables », ayant un baccalauréat en « commerce, gestion et administration publique », gagnaient 81 % du salaire des hommes avec le même diplôme et le même titre d’emploi.

Par Ruth Rose, professeure associée à l’UQAM