Je suis allongée sur une civière d’hôpital dans le corridor du département de radiologie. Le passage de la longue aiguille qui a accédé au cœur de ma colonne vertébrale se fait encore sentir.
Je tente d’accueillir la douleur présente en visualisant cette fontaine de jouvence qui trace son chemin jusqu’à mes motoneurones pour revigorer mes muscles. C’est à ce moment que mon regard croise l’horloge. Il est 11 h. Mon visage s’illumine. Quelle coïncidence : quatre décennies plus tôt, à pareille heure, je voyais le jour. Quatre décennies après ce premier souffle, à pareille heure, je venais de recevoir ce médicament miraculeux et coûteux qui m’offre une nouvelle vie.
Je pense à mes parents. Au bonheur vécu d’accueillir au monde leur princesse. Au choc brutal d’apprendre plus tard qu’elle est atteinte d’une maladie qui pourrait l’emporter avant qu’elle ne puisse s’asseoir sur les bancs d’école.
Je pense à eux qui, aujourd’hui, sont si fiers de l’incroyable parcours réalisé et si reconnaissants de savoir que la science est enfin de notre côté pour me planifier un avenir teinté d’espérance.
Je souris et je ressens pleinement l’essence du mot « merci ».
Reconnaissance
Nous y voilà : la reconnaissance de ce qui est. L’importance de porter notre attention sur ce que nous avons. Apprécier en toute simplicité. Pour ma part, j’ai peut-être perdu à la loterie de la génétique, mais j’ai gagné une volonté de fer ! Chaque jour étant pour moi une chance inouïe d’apprendre, de partager, de savourer, de rire, d’aimer.
Mon fauteuil roulant me pousse quotidiennement dans une course à obstacles. Ma maladie est, quant à elle, une capricieuse au tempérament changeant. Les défis sont grands.
Pour m’aider dans ma quête d’une vie douce, paisible et heureuse, j’ai découvert une arme puissante qui a le pouvoir d’aiguiser mes sens : la gratitude. Quelle belle émotion riche et profonde ! Dans cet état d’esprit, je suis plus à l’affût des trésors qui jalonnent ma route. Peu importe leur taille, leur valeur ou leur importance, je remarque ces petites perles plus facilement et je les accumule minutieusement afin qu’elles soient prêtes à rivaliser avec les pensées négatives d’un matin morose ou les passages plus difficiles qui se présentent. Question d’équilibre.
Apprivoiser la gratitude
Dès le réveil, j’ai pris l’habitude de constater ce qui va. Une gymnastique pour le cerveau que seule la pratique arrivera à dompter. Au cours de la journée, je me surprends maintenant à souligner ce qui est beau. Il y a parfois des surprises, des synchronicités, de charmantes attentions de mon amoureux, des compliments de mes proches, des rencontres inattendues.
J’ai aussi suivi les conseils des experts en psychologie positive et j’ai adopté un journal de gratitude dans lequel je prends le temps d’inscrire ce pour quoi je suis reconnaissante : ce chocolat chaud à la crème fouettée, l’odeur de sapinage dans l’air, la joie de vivre contagieuse de mon chien, la flamme de cette bougie qui oscille ; bref, ce que j’apprécie à cet instant dans mon environnement.
J’y note également les grandes joies comme ce médicament que je reçois. D’ailleurs, une amie ayant une peur bleue des aiguilles me demandait récemment comment j’arrivais à rester calme pendant l’intervention médicale. Ma réponse m’a étonnamment fait sourire, moi aussi : « Je pense à la chance que j’ai d’être là et de recevoir ce précieux cadeau ».
La gratitude est une alliée que nous pouvons tous côtoyer si nous en avons envie. Elle est en nous. Il suffit de lui ouvrir la porte.
Crédit photos : Hoby Ratsimbazafy
Caroline est l’auteure du blogue JE = ON (Tous droits réservés) dans lequel elle écrit pour faire connaître une réalité qui est la sienne : la vie en fauteuil roulant. Par sa plume, elle souhaite que l’inconnu que peut représenter le handicap puisse être apprivoisé. Pour Caroline, la compréhension de la diversité se traduit par l’acceptation de celle-ci. Elle profite également de sa tribune pour remercier les personnes d’exception qui l’accompagnent au quotidien.