24 mars 2021

Dès le début de cette crise sanitaire, on n’a pas tardé à observer que ce sont les populations les plus vulnérables qui sont touchées le plus durement; aussi bien par le virus en question que par ses conséquences sociales et économiques.

Il a très vite été constaté que la COVID-19 présentait un danger pour la vie, en particulier chez les personnes les plus âgées. Les conséquences du virus sont aussi particulièrement difficiles pour les personnes aînées qui peuvent être, à la base, plus isolées et plus dépendantes de services qui sont fortement perturbés en ce moment.

Parce que le virus a un impact particulièrement important sur les personnes aînées, la crise sanitaire n’a pas tardé à mettre en relief l’âgisme qui sévit dans notre société. Au début de l’épidémie, il n’était pas rare d’entendre des personnes plus jeunes se dire peu concernées. Pire, avec le début des mesures de confinement, on a assisté à certaines dérives consistant à imposer des mesures supplémentaires aux personnes plus âgées, sans trop se soucier de savoir comment cela pourrait être vécu par ces personnes. D’autres gens préconisaient également un confinement plus strict pour les personnes les plus âgées, comme si on pouvait mettre complètement à part cette partie de la population. On continue parfois d’entendre cette idée de sacrifice d’une population qui est perçue, à tort, comme moins essentielle.

Mais des facteurs de vulnérabilité, autres que l’âge, ont par la suite été mis en lumière. Par exemple, on a remarqué que les personnes les plus vulnérables sur le plan économique l’étaient aussi davantage face au virus. En effet, les personnes en situation de précarité financière peuvent présenter à la base plus de problématiques de santé. Aussi, elles occupent plus souvent des emplois à risque face au virus ou vivent dans des logements surpeuplés où le risque de contagion est accru. Au Québec, une personne aînée sur cinq vit sous le seuil de faible revenu[1] ; cette partie de la population aînée présente donc un double facteur de vulnérabilité face à cette crise.

Souvent liée à la vulnérabilité économique, la vulnérabilité des personnes sur le plan social a également été mise en évidence, comme dans le cas des personnes issues de minorités. On remarque donc que certaines populations sont à l’intersection de plusieurs facteurs de vulnérabilité ou de discrimination, d’où la notion d’inégalités « intersectionnelles » dans le titre de cet article, et que l’on trouve de plus en plus dans les médias.

Un enjeu intersectionnel que nous connaissons bien à la Fondation Émergence est celui des personnes aînées qui sont lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans (LGBTQ+). Celles-ci sont confrontées à l’âgisme d’une part, et à l’homophobie ou à la transphobie d’autre part. Avant la COVID-19, les études mettaient déjà en évidence le fait que ces personnes présentaient un risque accru de vulnérabilité, notamment à cause de l’isolement social qui les concerne particulièrement, ou à cause d’une certaine réticence à utiliser les services sociaux et de la santé. Ces phénomènes s’expliquent par leur parcours de vie, souvent difficile, dans une société où être LGBTQ+ constituait un crime, une maladie mentale et un péché. Leur vulnérabilité s’explique aussi par leur crainte de divulguer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ce qui constitue un frein à la socialisation et à l’accès vers les services sociaux et de la santé. La COVID-19 est alors venue alourdir cette situation, notamment en renforçant un isolement social déjà plus élevé que la moyenne chez cette population. Certaines personnes se sont retrouvées confinées dans des résidences où elles ne sont pas à l’aise d’être qui elles sont, faute de se sentir en sécurité de révéler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Pour les nombreuses personnes aînées LGBTQ+ « dans le placard », la notion de confinement est quelque part déjà familière. Mais sans la possibilité de s’en échapper de temps à autre, on assiste en quelque sorte, chez cette population, à un double confinement.

Les conséquences de la COVID-19 ont donc des impacts plus importants sur les populations qui étaient déjà vulnérables, en particulier celles qui cumulent les facteurs de vulnérabilité. Cette crise permet cependant de mettre en évidence ces inégalités qui, espérons-le, seront plus difficiles à ignorer dans le futur.

Julien Rougerie

[1] Direction régionale de santé publique, Portrait des aînés de l’île de Montréal, 2017

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